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Au début du mois d’Avril, Madiana, LE cinéma de la Martinique, a lancé son tout nouveau site internet et son application mobile.
Je vais vous détailler ici, de façon non exhaustive, une partie des erreurs commises dans la réalisation de site.
Mais avant tout cela, je vais vous expliquer les raisons de cet article.
Les cas comme celui de Madiana sont les raisons même de l’existence de ce blog.
Le contexte
Le cinéma Madiana appartient au groupe Elizé, qui a possédé par le passé une grande partie des cinémas de Martinique. Ceux qui ont à la fois bercé la jeunesse de nos parents avec le Ciné Théâtre, ou encore l’Olympia.
Ces cinémas maintenant disparus sont ancrés dans le patrimoine de chaque martiniquais, car tout le monde à forcément une anecdote qui s’est déroulée dans ces lieux.
En 1998 le groupe décide de construire un nouveau complexe de 10 salles avec presque 2300 places (qui engendra quelques années plus tard la fermeture des autres cinémas).
Le résultat est sublime, des belles et grandes salles de qualité. Une qualité sonore à la pointe à cette époque (THX), une salle de jeux, un restaurant, vraiment le grand luxe pour l’époque !
Malgré sa localisation en dehors de la ville et son accès difficile pour toute personne n’étant pas véhiculée, Madiana est devenu un élément central dans l’économie et dans la vie des Martiniquais (NDRL : Etant le seul vrai cinéma de l’île…).
Au fil des années et des avancées technologiques Madiana a proposé un site web, permettant dans un premier temps de voir les films à l’affiche ainsi que les séances. Dans un second temps, de pouvoir réserver sa place en ligne, etc. Du grand classique pour un site de cinéma.
Le service était là, mais l’expérience utilisateur (ergonomie, design, parcours utilisateurs) était d’un autre temps. Mais pour l’époque l’indulgence était de mise.
En 2018, à l’occasion de son 20ème anniversaire, Madiana investit en rénovant une grande partie de ses infrastructures et en réalisant un nouveau site internet, ainsi qu’une application mobile.
J’ai éprouvé un vrai plaisir à la lecture de cette annonce, et un vrai engouement à aller voir le résultat. En réalité, j’étais tout excité et je me disais « OK là on va voir un truc solide, s’ils refont leur site pour les 20 ans cela doit être un truc de fou ! »
Je ne dirai pas que j’ai été déçu, le mot est trop faible, mais pour moi le constat était affligeant.
Revenons donc sur chaque erreur commise.
Le site internet
Choix du CMS / Back-end
Qu’est-ce qu’un CMS ?
CMS ou encore Content Management System, en français Système de Gestion de Contenu, est une solution permettant de gérer des sites web, de mettre à jour et de poster de nouveaux éléments sur un site. En quelques mots d’administrer un site.
Madiana a fait le choix du CMS Drupal. Drupal est l’un des CMS les plus connus, mais il est spécialisé pour de la gestion de contenu éditorial (texte et images). Il convient donc parfaitement pour la réalisation d’un site « corporate », « vitrine » ou de sites de presse.
Le site de Madiana est ce que l’on appelle dans le jargon un site « transactionnel ». Un site transactionnel est un site qui permet d’effectuer des transactions en ligne telles que l’échange de données, la souscription ou l’usage de services et des transactions bancaires.
Drupal est-il le bon choix ?
Pas forcément, ce n’est pas le choix que moi j’aurais effectué en tout cas. Le site de Madiana est à 99% transactionnel et serviciel. Et, il devrait surtout n’être qu’une interface externe qui interagit avec le SI du Cinéma.
Les bornes ne devraient être qu’une autre interface basée sur la même technologie pour éviter d’avoir des technologies différentes dans le même éco-système.
Cela n’est qu’un point de vue extérieur ne connaissant pas peut-être les contraintes internes.
La performance
Un système de cache a-t-il été mis en place ? Lors du chargement de la page on se rend compte de la structure de cette dernière. On comprend alors ce qui peut clocher et le fait qu’il y ait encore beaucoup d’optimisations à mettre en place.
La sécurité
Aujourd’hui la sécurité des systèmes d’information est capitale, le sujet de la protection des données est au coeur de l’actualité avec de plus en plus de scandale (cf. Facebook).
Le 25 Mai dernier, la loi RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) est entrée en vigueur, toute entreprise possédant un site internet, se doit de la respecter ou en tout cas d’avoir engagé les chantiers permettant d’être « compliant« .
Depuis des années, il y a un vrai enjeux à avoir des plateformes sécurisées à la fois dans la protection des données et dans la sécurisation des transactions.
Fin 2016 Google a annoncé qu’il pénaliserait les sites n’étant pas en https et, en avril 2018 il a de nouveau renforcé sa lutte contre les sites non-sécurisés.
Dans ce cas :
Comment est-ce possible de sortir un site non sécurisé en 2018 ?!
Tunnel de conversion
Dans le monde du e-commere et du transactionnel le tunnel de conversion ou entonnoir de conversion est composé des différentes étapes nécessaires à l’atteinte d’un objectif.
Dans le cadre du site de Madiana le tunnel de conversion principal est la vente des tickets de cinéma. Quand il est bien fait, il permet :
- d’atteindre l’objectif en un nombre de clics minimal
- d’atteindre l’objectif en un nombre de secondes minimal
- d’avoir le moins de friction à l’achat (il doit être simple et répondre aux questionnements)
- d’identifier chaque étape clairement
- d’analyser les étapes d’abandon pour en déduire des cohortes lorsqu’il est lié à un plan de tracking
Il permet en outre de mesurer l’efficacité des différentes phases d’un processus commercial, grâce à tout un ensemble d’indicateurs que l’on a mis en place.
Etape 1: les premières erreurs
Sur cette étape, même après avoir sélectionné la quantité « 2 », il n’est pas possible de voir le prix total affiché sans scroller son écran.
De même pour le bouton de validation qui n’est pas non plus présent sans scroller.
Ils sont tous les deux en dehors de ce que l’on appelle la « ligne de flottaison ». En terme d’UX (User Experience) c’est un vrai problème car l’espace de quelques secondes le visiteur se demande « Mais comment je fais pour valider ? »
Autre point, en termes de design et d’ergonomie on n’y est pas non plus. Les gros boutons « + » et « – » de part et d’autre d’un champ, ainsi que le style des champs ressemblent à n’en pas douter à ce que était produit il y a un peu plus de dix ans.
Un parcours client réalisé sur un site externe = perte de tracking
Si l’on fait bien attention on se rend compte qu’on est redirigé sur un site externe. Cela a plusieurs effets néfastes.
Le premier est que la partie la plus sensible du site transactionnel n’est pas sur son propre site.
Existe-t-il un plan de tracking ? Le doute grandit, car quand on souhaite maitriser ses données on fait tout pour les garder chez soi (données chez une tierce partie, RGPD, …).
Quand on veut améliorer sa connaissance client online, on souhaite avoir la main sur son outil de vente pour récolter des informations et pour rapidement mettre en place des tests.
Etape 2 : Trop de texte
Dans cette seconde étape je ne reviendrai pas sur la partie ergonomique et design. Cependant une question m’habite…A quoi sert tout ce texte ?
Les utilisateurs ont l’habitude de renseigner des formulaires, on n’est plus obligé de mettre de longs textes explicatifs pour leur dire quoi faire.
De même, le petit texte légal en dessous du formulaire n’est pas à sa place.
On sent vraiment que l’on est sur un site ancien alors qu’il vient tout juste d’être publié.
Etape 3: La maintenance
Un site comme celui de Madiana est censé être un vrai outil « Business », qui sert à générer du chiffre d’affaires. Il apporte aussi l’aspect service et expérience, car le client n’a pas à faire la queue pour acheter sa place. Cela à donc une vraie plus-value en termes d’expérience utilisateur mais aussi financièrement (moins de personnel aux caisses, moins d’attente, plus de clients satisfaits).
Quand cet outil Business est défaillant, c’est l’organisation qui est impactée, c’est un chiffre d’affaires en moins qui est réalisé. Quand cet outil Business est indisponible au moment d’un pic d’affluence client (le soir) et ce pendant toute la soirée jusqu’au lendemain dix heures, cela peut être catastrophique pour une entreprise.
Premièrement bien sûr d’un point de vue financier, mais aussi en matière d’image. Heureusement pour Madiana il n’y a pas de concurrence, donc les Martiniquais n’ont qu’à prendre leur mal en patience. Mais nous sommes loin de l’esprit de service grand luxe que je décrivais à l’ouverture du cinéma.
Un vrai plan de maintenance doit être mis en place pour éviter que cela ne se produise, mais surtout pour pouvoir prendre en charge rapidement un incident de production.
J’émets donc des doutes sur la connaissance de tous ces préceptes de gestion d’un site transactionnel en production.
Conclusion
En définitive, c’est tout de même dommage de produire un site de cette facture en 2018, alors qu’en France il existe le leader européen du cinéma (UGC pour ne pas le citer).
Le site d’UGC aurait été copié cela ne m’aurait pas choqué. Il aurait servi de base pour réaliser un tremplin.
Le mieux aurait été de s’en inspirer et bien sûr de gommer toutes les zones de frictions pour réaliser le meilleur site de cinéma de France, pour montrer qu’en Martinique on est capable de réaliser des choses extraordinaires, et ce, dans tous les domaines. Cet esprit d’excellence doit habiter chacun de nous dans nos vies.
